Devenir orateur avec… Steve Jobs
Pour trouver son style oratoire, celui avec lequel vous êtes le plus à l’aise, et prendre du plaisir dans vos prises de parole, je crois beaucoup à l’observation des plus grands orateurs et oratrices. A travers leurs discours, ils nous transmettent de nombreuses leçons et aident ainsi à progresser rapidement.
Steve Jobs demeure à ce jour la figure tutélaire de l’entrepreneur à succès. Visionnaire, charismatique et orateur de génie, il inspire encore aujourd’hui des générations entières de leaders. Et avec ses célèbres keynotes - présentations annuelles où il annonçait les nouveautés de la marque Apple – il a révolutionné la communication d’entreprise.
Ce qui distingue immédiatement Steve Jobs c’est son attention au moindre détail, autant sur le fond que sur la forme. Il savait que pour graver les mémoires, il fallait travailler énormément sur ses prises de parole. C’est exactement ce qu’il faisait. En quelques secondes, il parvenait à captiver toutes ses audiences et avait trouver la clé à cette éclairante réflexion du psychiatre Gregory Berns : « On peut avoir la meilleure idée du monde, singulière et différente, si on n’est pas capable d’en convaincre les gens autour de soi, elle ne rencontrera que l’indifférence générale. »
Trouver un message clé : simple et fort !
Leçon n°1 de Steve Jobs
En une seule prise de parole, beaucoup d’idées peuvent être partagées mais pour avoir de l’impact il faut parvenir à ne transmettre qu’UN seul message fort, celui qui marquera les esprits durablement.
Steve Jobs aimait les choses simples et épurées, comme les produits Apple. Ainsi, pour marquer les esprits, il prenait soin de construire UN message clé - celui qu’il voulait que l’audience retienne et répète par la suite comme un slogan. Celui-ci devait être court, simple et inattendu.
La raison ? La capacité de mémorisation d’une audience est généralement faible, voire très faible. Or, s’il est possible de détailler plusieurs éléments, d’avancer de nombreuses idées et de multiplier les exemples au cours d’une prise de parole, UN message doit toujours réaliser une synthèse. Il s’agit là du même procédé que celui utilisé par Jean de La Fontaine dans ses fables. Toute histoire contée mène à UNE morale de vie, UN proverbe de quelques mots à retenir.
En 2007 par exemple, lors de la keynote de lancement du premier iPhone, il affirme : « Aujourd’hui, Apple va réinventer le téléphone ». Cette petite phrase est inspirante et marque les esprits. Ce fut aussi le cas de « MacBook Air. L’ordinateur le plus fin du monde. » ou de « L’iPod, c’est mille chansons dans votre poche. » Une fois répétées et affichées sur tous les supports de communication, ces courtes phrases deviendront virales.
L’histoire d’un héros et d’un méchant
Leçon n°2 de Steve Jobs
Pour mettre en valeur vos idées, il est utile de présenter le ou les problèmes auxquels elles permettent de répondre. C’est la tension entre ces deux éléments qui éveillera la curiosité de l’audience et lui donnera envie de vous écouter jusqu’à la fin de votre propos.
Les histoires les plus captivantes mettent toujours en scène un héros luttant contre une force du mal, un méchant. C’est nécessaire pour qu’il y ait du suspense. Autrement dit, une intention particulière doit se heurter à des obstacles qui paraissent insurmontables.
Dans toutes ses prises de parole, Steve Jobs évoque ainsi explicitement un problème majeur qui nous (les clients de ses produits) contraint ou nous empêche de nous réaliser pleinement. En 2007, le mal à combattre est celui des téléphones qui sont difficiles à utiliser d’où la nécessité d’inventer un téléphone intelligent et facile à prendre en main… l’iPhone !
Cela fonctionne à merveille car l’homme a horreur du vide et souhaite combler ses besoins, ainsi il cherche toujours des solutions. En présentant son message avec cette dynamique « problème / solution », Steve Jobs répond parfaitement à cette inclinaison naturelle.
Et pour maximiser encore davantage l’efficacité de son propos, il introduit l’ennemi à abattre le plus tôt possible dans sa prise de parole. La tension saisit immédiatement l’audience.
Donner du rythme
Leçon n°3 de Steve Jobs
Le rythme ternaire permet de structurer efficacement un propos, de façon équilibrée et harmonieuse. La répétition d’éléments – trois fois – facilite également la mémorisation.
Souvent les présentations d’entreprise sont ennuyeuses, très analytiques et donc peu inspirantes. Pour éviter cet écueil, le fondateur d’Apple prenait soin de donner du rythme à ses prises de parole. L’une des techniques qu’il utilisera tout au long de sa carrière consiste à décomposer ses présentations en 3 parties et à répéter les éléments importants 3 fois.
Le chiffre 3 nous parle car il comporte une dimension mélodique indéniable (pensez à la valse à 3 temps) et il est lié à notre culture : la Trinité dans la religion (le Père, le Fils et le Saint-Esprit), la devise française « Liberté, égalité, fraternité », la décomposition du temps (passé, présent, futur), notre vision de la vie (naissance, vie, mort), etc. C’est d’ailleurs le chiffre des grands orateurs avec de nombreux exemples comme Abraham Lincoln (discours de Gettysburg, 19 novembre 1863), Clémenceau (discours à la Chambre des députés, 8 mars 1918) ou Danton (discours à la Convention nationale, 2 septembre 1792).
Steve Jobs mobilise très souvent un rythme ternaire dans ses interventions comme lors de son célèbre discours en 2005 à Stanford où il raconte trois histoires personnelles pour persuader le public. Ces dernières, courtes et simples, lui permettent de transmettre efficacement ses idées mais également de dévoiler une partie de sa vie et ainsi de mieux comprendre ses choix et convictions. Et lors de sa keynote en 2007, il décrit l’iPhone en trois temps en affirmant « Aujourd’hui, nous présentons trois produits révolutionnaires » : un iPod pour écouter de la musique, un téléphone et un appareil pour se connecter à internet. Ces trois produits sont en réalité une seule et unique innovation… l’iPhone !
Préparer et se préparer
Leçon n°4 de Steve Jobs
La répétition dans les conditions les plus proches du jour j est la clé du succès pour tout grand orateur. S’il ne s’agit pas de connaître votre texte par cœur ou de maîtriser chacune de vos intonations vocales, rien ne doit être laissé au hasard quant au déroulé de la prise de parole.
La préparation, aussi simple que ce soit cette recommandation, n’en demeure pas moins l’une des clés de l’énorme succès des présentations de Steve Jobs.
Il répétait plusieurs fois ses prises de parole importantes afin de connaître par cœur le déroulé de celles-ci lui permettant ainsi de partager son message sans oublis, erreurs et, en apparence, sans effort !
Cet entraînement lui donne également la possibilité de s’affranchir de ses notes et de réaliser une prestation vivante face à l’audience avec laquelle il créait toujours une relation unique. Lors de ses keynotes, il jouait avec l'audience en lui faisant croire qu'il avait terminé son propos, se dirigeant alors vers les coulisses, avant de revenir en affirmant :"one more thing" ("une dernière chose") qui était souvent une annonce cruciale !
Or, pour produire un tel effet, il est nécessaire de connaître parfaitement sa prise de parole, cela ne peut pas être de l’improvisation.
Utiliser des illustrations très simples et visuelles
Leçon n°5 de Steve Jobs
Les supports visuels ne doivent jamais vous voler la vedette. Ils ne sont que des illustrations de vos propos. Ils doivent être très simples, immédiatement lisibles et compréhensibles pour l’audience.
Steve Jobs savait parfaitement que les supports visuels qu’il utilisait n’étaient là que pour illustrer ses propos et en aucun cas pour se substituer à sa présentation. Il disposait ainsi de slides constituées d’une grande image ou de quelques mots seulement. En 2007, lors de sa keynote présentant l’iPhone, au cours des trois premières minutes, les slides qu’il projette ne comptent ainsi que 19 mots !
La règle d’or qui est ici parfaitement respectée est que l’audience ne peut pas en même temps écouter un orateur et lire un texte projeté derrière lui. C’est impossible ! Ainsi, la présentation doit être immédiatement compréhensible. Le travail effectué par Steve Jobs est remarquable et montre son niveau de préparation très élevé car en pratique, il est très difficile de coordonner ses paroles avec des animations défilantes.
Dans ses keynotes, il connaît par cœur l'enchaînement des slides et maîtrise parfaitement sa présentation comme l'atteste par exemple sa connaissance des moments humoristiques. La synchronisation est cruciale car quand vous projetez une slide, tous les regards de l’audience se posent immédiatement dessus, sans que vous n’ayez le temps de l’expliquer.
Voici les quelques règles qu’il maîtrisait à la perfection
N’écrivez que quelques mots ou de courtes phrases, pas plus !
Préférez UNE image, UNE vidéo, UN schéma pour illustrer vos propos. N’oubliez pas qu’il est impossible de lire et d’écouter attentivement un orateur en même temps… notre cerveau ne peut pas le faire, point final ! Et surtout ne mettez qu’un seul élément à la fois par slide...évitez à tout prix l’effet patchwork.
Évitez d’ajouter des titres ou des légendes qui surchargent inutilement les illustrations… alors que vous êtes là pour leur donner vie.
N’utilisez pas plus de deux polices différentes pour toute la présentation : une pour les titres et une pour le corps du texte par exemple.
Écrivez en grand pour être lu aisément par toute l’audience, parfois même EN CAPITAL.
Préférez une charte graphique sobre en évitant les ornements et en choisissant des contrastes forts entre le fond et la couleur d’écriture.